D'une conversation mal intentionnée à un amusement réfléchi: qu'est ce qu'une vocation. Le Guerrier qui sommeille en nous choisit il sa voie depuis son coeur ou les injonctions de l'entourage ?
Récemment une personne proche, pas forcément bien intentionnée, fit un commentaire sur ma trajectoire professionnelle : elle jugeait regrettable d’avoir trouvé tardivement « ma vocation », celle liée à la transmission et au yoga. Cette personne fit alors un parallèle avec sa propre fille de 17 ans, encore en quête pour son avenir d’étudiante, intéressée par trop de voies possibles et dans la difficulté de choisir. Elle était inquiète que son enfant trouve comme moi trop tardivement sa vocation, elle lui souhaitait une autre direction !
Du haut de mes 50 ans, et avec quelques années d’observation et de discernement, j’ai bien perçu chez cette personne sa façon de m’entreprendre : chercher à avoir une forme de pouvoir par le biais d’un avis donné à l’emporte-pièce, un commentaire teinté de condescendance, assez pour flouter toute négativité apparente. La manipulation au travers des mots et du ton de voix a une force incroyable ! L’être humain est retord.
La prise de pouvoir sur l’autre, pour avoir le contrôle et l’aval sur la relation, est une duperie de la nature humaine en quête de sécurité et noyée dans son narcissisme. Il fut un temps où mon sang n’aurait fait qu’un tour, pour se figer, se glacer et créer un nœud dans mon ventre. Terrassée entre l’impossibilité de dire pour rendre la monnaie de la pièce et par l’humiliation d’être jugée.
Ici, il m’est apparu évident que ma meilleure arme était un sourire entendu, avec pour seule question à mon interlocuteur (oui c’était un homme) : qu’entends-tu par « vocation » ? Il n’a pas épilogué et s’est tourné vers son sujet de prédilection, lui-même.
Je le remercie en cachette, car ce mot « vocation » résonne depuis chaque semaine dans mon esprit.
Qu’est-ce qu’une vocation ? ce mot a-t-il un sens dès lors qu’on veut le figer dans une certitude, un rôle, un soi-disant don du ciel qui donnerait une fonction privilégiée à celui qui le porte ? D’où surgit l’appel d’une vocation, comment et quand y répond-on ? Le libre arbitre a-t-il un rôle à jouer et une vocation est-elle véritablement innée ? Il n’est pas si aisé de discerner les conditionnements en jeu au cœur d’une vocation.
La vie est-elle linéaire, avec des causes et des effets bien ordonnés permettant de noter au Stabilo boss les carrefours révélateurs de nos actions qui dévoilent une vocation ? Toute personne en quête de contrôle répondra oui à cette dernière question …
La trame d’un tissu est faite de milles fils, de milles gestes, sa couleur se patine, la teinte des premiers âges a été vernis, puis colorée à nouveau. Ce même tissu sera toile pour le châssis d’un peintre, vêtement pour le marcheur, drap pour le rêveur, ou encore sac pour le marchand. Et un même être humain peut se parer de tous ces gestes. Une chose doit demeurer constante à éclairer : ce qui fait sens pour lui, en son for intérieur, au cœur de l’action qu’il engage sur le monde.
En Inde, il est question de sva dharma. Sva, soi, soi-même, dharma, ordre, agencement. Son « sva dharma », c’est agir et penser en étant inspiré par ce qui fait sens pour soi, ce qui crée de l’harmonie dans le chaos. Avec comme fil conducteur une intention de participer à l’ordre du monde. C’est jouer sa mélodie pour Co-créer « la grande partition du monde » (expression de Colette Poggi, indianiste éclairée). Arjuna le héros de la Bhagavad Gita, terrassé par la puissance de son rôle à jouer sur le champ de bataille, est le personnage mythique de cette question du sva dharma. Il sera guidé par son cocher, Krishna, avatar du Dieu Vishnou, représentant alors la Conscience qui guide et éclaire le Soi niché dans le cœur d’Arjuna.
Tout guerrier en puissance dans la mythologie indienne frôle avec cette notion subtile : agir selon une pensée juste, en adéquation avec l’essence de son être et l’harmonie du Monde. En écoutant ma dernière capsule Yoga à la Une, c’est le Héros Virabhadra et l’Art du Combat qui vous guideront sur ces questions.
Et j’en reviens à mes moutons, ceux dont la laine tisse les fils, ma soi-disant vocation pour la transmission et le yoga apparu trop tardivement selon mon interlocuteur mâle-intentionné. Ce qui m’anime depuis toujours c’est l’observation, avec en germe ce qui permet à la présence de se révéler. J’entends par présence l’attention déposée au creux d’un simple geste ou d’une action aux retombées fortes. C’est très simple et opaque à la fois. C’est la recherche dans toutes les disciplines que j’ai traversées (théâtre, chant, yoga, transmission, pédagogie, écriture) d’un équilibre entre tenir le mouvement, le cadrer, et lui laisser son espace de jeu et de liberté. Les outils changent, l’intention reste.
Et vous, quels fils tirent le jeu de vos vocations ?