Les branches des arbres nus de l'hiver nous parlent

Réorganiser l'existant. Relier le délié. La métaphore du kaléidoscope réconcilie les contraires. Permanence et changement, statique et dynamique, extérieur et intérieur.

Kaléidoscope
3 min ⋅ 28/01/2025

L’hiver, son froid, ses nuits longues, ses pluies drues et ses rayons fragiles de soleil murmurent de se calfeutrer, de se languir sous la couette avec un livre un café auprès d’une amie ou seule. 

J’aime l’hiver, j’aime cette transition longue qui nous demande de la patience, j’aime voir les branches des arbres nus, dépouillés, qui se détachent sur le ciel gris. J’aime les grosses écharpes colorées sorties du placard, elles n’attendaient que ça ! Respirer en dehors du carton!  J’aime cette pensée qu’un matin , surprise, je verrai une amorce de bourgeon petite et tendue commencer à forcer le bois du Sureau dans le jardin. J’aime ces saisons qui s’expriment.

Je suis une citadine. Née sur le bitume, au coin d’un comptoir en zinc parisien, dans une salle sombre d’un musée, derrière un rideau de théâtre, j’aime arpenter Paris même en hiver. Je mets dans ma besace chocolat chaud, galette à la frangipane et livres. Et puis je rêve avec des femmes d’un autre monde romancé, celui des pages imprimées et des contes qui en deviennent réels tellement ils s’implantent en moi et me traversent. Une réalité imaginée.

Trois femmes trois livres trois autrices. Petite obsession à chercher des sœurs de vies dans les livres. 

Encabanée de Gabrielle Fiteau-Chiba. Une femme quitte l’effervescence Canadienne de Montréal pour s’engouffrer dans la région du Kamouraska, dans une petite cabane de bois, avec un poêle, un chat, le gèle et la forêt. Anouk se calle sur les besoins naturels, la nature à explorer et chérir, le sifflement du train au loin qui lui rappelle l’heure régulière de la fin de journée. Elle écrit dans son journal, là où elle est, là où elle en est, les listes de questions et de courses pour sa virée hebdomadaire au village. La beauté du rude, du féminin, de la nature. Un homme passe. Les coyotes la surveillent.

Du Domaine des Murmures de Carole Martinez. 1187 Une femme refuse de dire « oui » le jour de ses noces, refuse ce don en pâture de son corps et son être à l’homme prédestiné. Elle s’offre alors à Dieu et exige de vivre emmurée jusqu’à sa mort. Cabane de pierre et de terre sèche. Pour changer son destin Esclarmonde s’en choisit un autre plus rude. Un acte violent la veille de son enfermement scellera la suite vertigineuse de son ascension enfermée. Le village lui parle et la nourrit. Sainte elle deviendra malgré elle et aux dépens de tous. 

Dans la Mansarde de Marlen Haushofer. Une femme de la petite bourgeoisie autrichienne reçoit par la poste son propre journal écrit des années auparavant. Elle s’enferme dans sa mansarde, le lit, le brûle. Revient à elle ce temps où devenu sourde subitement un matin, elle a vécu plusieurs mois cloitrée au cœur de la campagne, le temps de la guérison. Dessaisie de son petit garçon, entre quelques visites éclairs de son mari, elle écrivait et marchait dans la forêt. Famille et médecin la tiennent responsable de son retour à la vie auditive. Elle attend et guette, ausculte ce temps puis compose avec la normalité revenue.

Trois femmes. Trois amies. Je pars avec elles en résidence “d’écriture-de chant-de yoga” à Arles en février. 10 jours c’est peu et c’est beaucoup déjà. Je serai proche d’une cité, du fleuve, à La Madeleine Arles. J’attends cet espace depuis longtemps. Eugénie a créé ce lieu de résidence avec son compagnon, à la frontière de la ville. Je vais m’enfermer dans la Chambre Blanche.

Ses livres portent en eux ce thème de la grotte, de la caverne, la cabane, les murs épais d’une pièce scellée, une mansarde salvatrice. Une place dessinée par une architecture simple qui va symboliser un isolement, un retour au centre, choisi contraint forcé peu importe. Il raconte notre histoire. Cette quête de l’humanité du qui suis-je ? quel est le sens de ce que j’entreprends ? Isolément en dehors de toute projection extérieure, des relations construites au fil des ans, qui sont ces JE constitutifs de cet être hybride, fait de chair, de sueur, de pleurs, de rire et de pensées incessantes et selon la philosophie Hindou d’une entité inaltérable et absolue ? Drashtu, atman, purusha, le voyant intérieur, le Souffle, l’Habitant de la citadelle qui cherche soit à s’unir à l’Absolu, soit à s’isoler au cœur de la Grotte du Cœur. C’est toute la beauté de la voie du yoga, révéler ce Voyant intérieur, qu’on peut appeler Soi, ou Essence, ou Mystère de la vie. La pratique du Souffle, des postures sont supports car constitutives de notre incarnation. La méditation est promesse de temps suspendu au delà des aléas.

L’approche méditative, qu’elle soit assise, en marchant, les yeux clos, en épluchant des carottes, le regard tourné vers un bel objet ou une situation particulière procède de plusieurs étapes. La concentration, la contemplation, puis l’absorption complète. C’est le processus qui compte, pas le résultat. Le moment où l’on se tourne vers et où on décide d’être présent à ce qui émerge. Sans commentaires ! Que c’est difficile et joyeux à la fois !

Petite méditation explorative du jour avec un extrait du livre dans la Mansarde. Via mon podcast Yoga à la une.

Et prenez vos agendas, en juillet du 4 au 10, stage Yoga et Voix dans la douceur des hauteurs du Sud de la France.

photo Luke Stackpoole

Kaléidoscope

Kaléidoscope

Par Eléonore Gratton

Les derniers articles publiés